Je n'habitais pas mon visage
Je n’habitais pas mon visage m’a dit Samia, lors de l’un de nos entretiens.
Son visage comme une maison désertée. Abandonnée.
Comme les quatre autres participant.e.s de ce travail, Samia a eu un cancer du visage, suivi d’une reconstruction. Un tel parcours prend plusieurs années et marque la peau autant que la psyché.
Chacun.e a vécu différemment la disparition d’un visage connu, stable, pour s’engager dans un labyrinthe d’incertitudes.
Tout ce projet prend d’abord racine dans le désir d’une création commune.
Comment rendre compte d’un traumatisme si grand que la perte de son propre visage ? Comment créer un espace d’élaboration à partir de ressentis, d’expériences, de rêves ? Comment rendre plus horizontale la création artistique ?
Lors des premières rencontres avec des personnes défigurées nous échangions autant sur leur parcours hospitalier que sur leurs ressentis vis-à-vis d’eux-mêmes ou d’autrui.
Personne n’avait, a priori, d’idée de création définie, mais tou.te.s ressentaient la nécessité d’élaborer, de créer à partir de leur expérience si particulière.
Toutes les œuvres, images et textes sont des co-créations, elles ont toutes été pensées à plusieurs. Les histoires des un.e.s et des autres s’entremêlent, s’entrechoquent, les images créées ne sont pas créditées. C’est que chaque histoire peut être partagée par plusieurs, c’est qu’elle peut résonner pour l’autre.
Les écrits manuscrits sont directement issus de mon carnet de travail, extraits d’échanges ou de réflexions. Tout ce travail existe grâce à la bienveillance de Quentin Qassemyar, chirurgien à l'hôpital Tenon. Ce projet se compose également de vidéos, de sculptures.